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Homélie pour la
Vigile Pascale 2013
Abbaye de
Scourmont
Luc 24, 1-12
Pierre
s’en retourne chez lui, tout étonné de ce qui est arrivé.
De quoi
est-il étonné ? – Alerté par les femmes, il est venu au tombeau où l’on
avait déposé le corps de Jésus quelques jours auparavant. Il y trouve un
tombeau vide où repose encore le linceul qui avait servi à son ensevelissement.
Ce tombeau
vide est le centre de l’histoire de l’humanité. Après, rien ne sera comme
avant. Bien sûr les hommes demeureront toujours les mêmes. Avant comme après
ils feront l’amour et feront la guerre. Ils feront des alliances et les
rompront. Ils construiront des royaumes et les détruiront. Mais il y a
désormais au coeur de l’humanité une présence nouvelle. Pas simplement une présence de Dieu, laquelle
était là depuis le commencement, puisque le commencement même était jailli de cette présence. Ce sera désormais la présence, sans limite
de temps et d’espace, de Dieu qui en s’incarnant dans une chair humaine, en
mourant et en ressuscitant, est désormais présent en tant qu’homme, sans limite,
à l’intérieur même de nos limites.
C’est ce
qu’ont compris les femmes, venues au tombeau avant Pierre. Il fallait que cet
homme Jésus, le « Fils de l’homme », comme il se désignait lui-même,
meure et ressuscite. Non seulement toute sa vie terrestre à lui, mais toute
l’histoire humaine dont il était le rejeton, s’est terminée dans ce tombeau. Et
de là est jailli le début d’une nouvelle histoire qui est autant la nôtre que
la sienne, autant la sienne que la nôtre.
Dans tous
les livres de la Bible, des témoins privilégiés, qui ont vécu à fond leur
expérience humaine et spirituelle, nous ont livré leur expérience de Dieu, à
travers des textes de toutes sortes : des récits mythologiques sur les
débuts de l’univers, des récits à caractère historique, des visions
prophétiques, des codes moraux. C’est ce long témoignage de l’expérience
spirituelle d’un peuple que nous avons entendue dans les nombreuses lectures de
cette Vigile Pascale. Nous avons entendu comment ces témoins spirituels ont
saisi que leur existence même venait de Dieu, puis comment ils avaient été en
tant que peuple choisi par Dieu, à travers leur ancêtre Abraham, conduits en
exil puis libérés de cet exit. Nous avons entendu leur expérience d’être un
peuple parfois fidèle, souvent infidèle, que Dieu se forma par l’expérience du
désert. Nous avons entendu comment de
grands spirituels, appelés les prophètes, avaient appelé leurs concitoyens à
percevoir Dieu non seulement comme quelqu’un qui partageait leurs guerres et
leurs victoires et qui parfois les punissait, mais comme quelqu’un qui les
aimait et qui voulait établir une relation amoureuse avec eux.
Jésus est
né, il a grandi parmi les hommes, et il a partagé lui aussi son expérience
spirituelle : l’expérience d’être le Fils bien-aimé du Père éternel. Il
est né et il est mort. Et puis ses disciples ont fait, dans les jours, les
mois, les années, les siècles qui suivirent, l’expérience qu’il était toujours
vivant. Cette expérience, qui ne peut se démontrer mais qui est au-delà de tout
doute, et qui a été décrite et interprétée de mille et une façon, est à l’origine
de notre histoire -- notre histoire qui est née dans ce tombeau vide. L’Église
– l’Église que nous formons – est la communauté de tous ceux qui ont mis leur
foi dans le Christ.
Pour
garder vive notre espérance, il est important que nous nous disions – et
redisions -- notre expérience collective et notre histoire, pour comprendre ce
que nous vivons aujourd’hui. Cette expérience de la présence du Ressuscité --
une expérience de l’ordre de l’évidence -- les premières générations chrétiennes
l’ont incarnée dans leur vie et souvent dans leur mort. À travers eux cette foi
s’est propagée, de façon diverses aux quatre coins de l’univers.
Tout comme les descendants d’Abraham,
une foi entrés dans la terre promise -- s’étaient rapidement
divisés en royaume du Nord et royaume du Sud, en Galilée et Judée, sans oublier
la Samarie, de même les disciples de Jésus se sont divisés en Orientaux et
Occidentaux, avant d’engendrer de nombreuses autres divisions. Et pourtant la
foi au ressuscité a survécu à tout cela. L’Église latine a connu un développement exceptionnel en Europe durant
plusieurs siècles et a transmis le message de son expérience à beaucoup de
nations lointaines. De nos jours où elle
grandement dépouillée dans nos pays de vielle chrétienté, d’un grand nombre de
ses formes traditionnelles d’expression et alors qu’elle n’est pas
nécessairement moins forte, mais que le nombre de ceux qui la professent est
grandement réduit, elle connait une vitalité plus grande dans des régions plus
récemment évangélisées. Si bien que c’est en Amérique latine où le message de
l’Évangile est arrivée il y a quelques siècles seulement, que Rome est allé se
chercher son évêque -- et que nous
devons nous habituer à de nouvelles expressions de la même foi.
Comme tous
les témoins du passé, d’avant le Christ comme d’après le Christ, nous sommes
appelés à transmettre à nos contemporains l’expérience que nous avons de la
présence de Dieu dans nos vies. Non pas afin
qu’ils fassent leur notre expérience, mais pour qu’en entrant en contact avec
notre expérience de foi ils découvrent, cultivent la leur et la partagent.
Nous
pouvons voir dans le linceul vu par Pierre dans le tombeau vide le symbole de
tout ce qui ne va pas dans le monde, dans l’Église, dans nos vies. Pierre ne
s’est pas arrêté à ce linceul. Il est retourne chez lui ; c’est-à-dire
qu’il est rentré en lui-même et y a fait l’expérience de Jésus toujours vivant
du ressuscité. C’est la même expérience que firent les femmes venues au tombeau
avant Pierre, et qu’elles exprimèrent sous la forme d’un voix angélique : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les
morts ? »
Ne
cherchons pas le Vivant parmi les morts. Accrochons-nous à l’expérience qu’il
veut que nous fassions de sa présence en nous, en notre monde concret dans
lequel nous vivons, en chacun de nos frères et en chacune de nos soeurs.
Le Christ est ressuscité ! Alleluia ! Joyeuses Pâques.
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